Dans leur Histoire populaire des impôts, Xavier Villetard et l’historien Gérard Noiriel montrent combien la fiscalité est indissociable de la démocratie, pour le meilleur et pour le pire.
Où va l’argent des impôts et quel modèle de société permet-il de construire ? C’est l’interrogation sur laquelle se clôt le documentaire co-écrit par Xavier Villetard (réalisateur) et Gérard Noiriel (historien). En moins de deux heures (et deux épisodes), le film balaie l’histoire de l’impôt en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, avec en fil rouge le combat entre les partisans d’une imposition juste et progressive, et les tenants d’une imposition minimale et de services publics restreints, ingrédients révélant le caractère ultralibéral d’un État.
Un impact politique et social important
Les auteurs ont interviewé des élus (de tous bords), des ministres et des hauts fonctionnaires experts en la matière. Ils ont compulsé les archives télévisées documentant les manifestations les plus marquantes. Contre la Poll Tax en 1990 en Angleterre – cet impôt local forfaitaire frappant les individus et ne tenant compte ni du revenu ni du capital détenu. Contre le plan Juppé en 1995 ou contre l’augmentation décidée en 2018, en France, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Ce qui déclenchera des mouvements sociaux.
Ils décrivent la genèse du consentement à l’impôt et l’émergence de l’idée que le principe de la contribution indirecte (dont les taxes sur la consommation, telle la TVA) est injuste. Au fil des crises (guerres, chocs pétroliers, réunification de l’Allemagne…) le niveau des contributions augmente ou recule. Lorsqu’il recule, cela profite principalement aux classes les plus aisées et aux entreprises. Tandis qu’on coupe parallèlement dans les dépenses publiques et le budget de la protection sociale. Lorsqu’il augmente, les classes moyennes et populaires – qui ne sont pas celles qui pratiquent l’évasion ou l’optimisation fiscale – sont souvent les plus impactées.
Une situation qui peut nourrir le sentiment de se faire avoir, ce qui peut faire prospérer les mouvements populistes.
Qu’en est-il par ailleurs d’un taux d’imposition mondial minimum sur les sociétés ? On n’a jamais été aussi proches de son instauration, estime Pascal Saint-Amans, l’ancien directeur fiscal de l’OCDE. Mais les multinationales et autres Gafam, fortes de leur domination, y consentiront-elles vraiment ?
Pour FO, la nécessité d’une imposition plus juste, donc progressive
"Sans un caractère progressif de l’impôt sur le revenu, donc qui tient compte des facultés contributives de chaque citoyen, il n’y a pas de justice fiscale. Chez FO, nous sommes pour que tout le monde paye de l’impôt sur le revenu plutôt que de l’impôt indirect. Actuellement, la charge fiscale totale repose à 80 % sur la contribution des ménages et pour seulement 20 % sur celle des entreprises (selon les données du laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po en 2023).
Ce déséquilibre entre en contradiction avec le principe constitutionnel de l’impôt.De plus, les trois cents plus grands groupes arrivent à payer seulement l’impôt sur les sociétés à un taux de 17 % (moins que les petites et moyennes entreprises). Le taux effectif baisse grâce aux niches fiscales et autre crédit impôt recherche/CIR dont bénéficient les grandes sociétés. On pourrait tout à fait avoir un impôt sur les sociétés progressif ou du moins plus élevé pour les multinationales. Enfin, nous n’étions pas favorables à la suppression de la taxe d’habitation (TH). C’était le dernier impôt direct que payaient notamment ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement. Par cette participation fiscale des citoyens, la taxe d’habitation créait un lien entre eux et les collectivités locales. Les recettes de cet impôt participaient en effet à alimenter leurs ressources financières."
Propos recueillis auprès d’Hélène Fauvel, secrétaire confédérale FO au secteur de l’Économie et du Service public.
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Journaliste à L’inFO militante
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