Avant l’annonce de la dissolution de l’assemblée nationale, qui hypothèque le devenir des annonces ou projets, l’exécutif avançait toujours plus ses mesures d’austérité et semblait prêt à en concevoir d’autres au nom de la résorption rapide du déficit public. Insuffisant aux yeux de la Cour des comptes, des agences de notation ou encore du FMI…
Il s’agit de
« poursuivre exactement dans la même voie,
sans accélérer ni ralentir »
martelait le 1er juin le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, dans les médias, au lendemain du verdict de l’agence américaine Standard and Poor’s sur les perspectives des finances publiques de la France.
Pour S&P, qui a ramené la note de France de AA à AA-, ce qu’avait prévu l’exécutif français d’ici 2027 n’était pas satisfaisant.
« Les réformes ne seront pas suffisantes pour permettre au pays d’atteindre ses objectifs budgétaires ».
En mai, deux autres agences de notation faisaient le même style de remontrances. L’exécutif visait toujours un déficit public (État, collectivités territoriales et sécurité sociale) ramené à moins de 3% du PIB. En parallèle, il repoussait toujours l’idée d’une hausse de la fiscalité, entre autres celle des entreprises et des plus aisés, tous ayant bénéficié de réformes très profitables depuis 2017. Il prévoyait en revanche la poursuite d’un recul drastique des dépenses publiques.
Était ainsi annoncé, une réduction supplémentaire de celles-ci, de vingt à vingt-cinq milliards d’euros en 2025. Et cela ferait suite à une réduction des dépenses de seize milliards d’euros actée par la loi de finances pour 2024, complétée depuis par l’annonce de gels de crédits et autres coupes budgétaires sur l’année, à hauteur de vingt milliards d’euros.
Les échelons territoriaux remis en cause
Pour les économies visées en 2025, l’exécutif avait particulièrement dans le collimateur le secteur de la protection sociale (visant notamment des économies sur les dépenses de santé et via la réforme de l’assurance chômage, quelque 3,6 milliards,) et les collectivités territoriales, avec pour ces dernières une réduction des dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Les concernant, un rapport du maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, remis le 29 mai au ministre des Comptes publics pointe un coût de 7,5 milliards d’euros, dont six milliards pour les collectivités, qui serait dû au « millefeuille administratifs », soit une « confusion de responsabilités » entre collectivités (deux millions d’agents) et État (2,5 millions d’agents) analysait Thomas Cazenave. Dès mars, Bruno Le Maire ressortait, lui, une critique datée : l’organisation territoriale (communes, départements, régions) aurait trop d’échelons. Et d’asséner sèchement :
« En matière de dépenses publiques, l’empilement n’est pas une option, le choix est une nécessité ».
Une mise à la diète, au risque d’impacter la croissance…
Bercy avait par ailleurs l’intention (selon la loi de programmation des finances publique 2023-2027) d’imposer aux collectivités des économies d’ici 2027, et leur a demandé en avril dernier de réduire leurs dépenses de fonctionnement de 0,5% (en volume) par an. Ce qui correspondrait à un recul de la dépense de quinze milliards d’euros au total s’est insurgé le Comité des finances locales. Il s’agirait aussi qu’elles réduisent leurs dépenses d’investissement. A noter que les collectivités territoriales sont en France à l’origine des trois quarts de l’investissement public.
Pour le Haut conseil des finances publiques, pointant le « manque de cohérence » de l’exécutif, une telle trajectoire d’économies
« pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique, si bien que les prévisions de croissance élevées du gouvernement pour la période couverte (…) apparaissent peu cohérentes avec l’ampleur de cet ajustement ».
Fin 2023, c’est le président de la République, lui-même qui stigmatisait la « dérive » des dépenses des collectivités. Cela a entrainé un tollé chez les élus locaux rappelant l’obligation des collectivités de voter des budgets à l’équilibre, rappelant aussi qu’elles ont perdu des recettes fiscales du fait de réformes ou encore que leurs dotations de fonctionnement ont diminué.
Emmanuel Macron a décidé de confier une mission à Eric Worth (ancien ministre du budget sous Nicolas Sarkozy et grand acteur de la RGPP qui a notamment réduit massivement les effectifs publics) avec entre autres comme objectif :
« la simplification de l’organisation territoriale en vue de réduire le nombre de strates décentralisées, aujourd’hui trop nombreuses »
Un cynisme que refusent les travailleurs
L’exécutif comptait donc poursuivre les réformes structurelles de toutes sortes. Et ne semblait pas vouloir écarter celles qui conduiraient à dégrader les droits des travailleurs. Ainsi en a-t-il été sur les retraites, tandis que la réforme sur l’assurance chômage menace ou encore celle visant la fonction publique. Par ailleurs, la crainte court actuellement, alimentée par la non-réponse des ministres de Bercy sur le sujet, d’un éventuel gel ou désindexation des pensions retraites en 2025 ainsi que des prestations sociales.
Sur toute cette austérité qui s’organise, le FMI jette lui un regard insatisfait. Le 23 mai, il livrait ses préconisations concernant la France.
« Des efforts supplémentaires significatifs (…) seront nécessaires (…) afin de consolider les finances publiques. La réforme des retraites et les réformes de l’assurance chômage ont commencé à porter leurs fruits. Les autorités doivent poursuivre leur ambitieux programme de réformes structurelles »
Pas en reste, le 29 mai, la Cour des comptes proposait elle aussi toujours plus d’austérité, préconisant de moins indemniser les arrêts de travail pour maladie, en posant un délai de carence de sept jours au lieu de trois actuellement. Les travailleurs goûteront l’idée !
Journaliste à L’inFO militante
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